Le Voyage de Malenky

Le Voyage de Malenky est une fable, celle d'un homme parmi tant d'autres (Malenky signifie petit en russe), qui (re)fait certains des grands mouvements migratoires de l'Histoire. Ce faisant, il rencontre plusieurs personnages qui prennent en charge des discours entendus sur la migration. Entre chaque étape de son grand voyage, nous faisons un saut dans le temps et reprenons son histoire.
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Au plateau, le point de départ de cette immersion dans le temps, sera l'ouverture de bocaux en verre en partant de cette idée  : si un bocal est fermé hermétiquement à Paris le 14 juillet 1789 et que nous l'ouvrons aujourd'hui, alors nous pouvons respirer un peu de l'air présent ce jour-là et ce faisant, faire l'expérience du voyage dans le temps. Et si nous avions une technologie qui nous permettait d'accéder aux vibrations de l'air, nous pourrions réentendre les sons de ce temps-là.
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Et si quelqu'un y racontait son histoire et l'enfermait dedans, nous pourrions à nouveau y avoir accès.
Et si au plateau nous ouvrions ces bocaux fermés en des temps distincts alors le théâtre deviendrait le lieu où se rejoindraient les passés. Et l'air présent s'en trouverait chargé.

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Je voulais créer un spectacle qui interroge le présent avec l'Histoire, qui utilise l'Histoire pour nous éclairer sur le présent. Je voulais tenter de dire combien la période que nous traversons me rappelle des temps que l'humanité a déjà connus et qui l'ont amenée aux périodes les plus sombres. Combien la montée des nationalismes sur fond de crise économique alliée à la stigmatisation d'une religion me fait dangereusement penser aux années 30, par exemple.

Je voulais.

Et voilà qu'un matin de septembre, le monde est ébranlé par une simple photo. A quelques centaines de kilomètres de nos frontières, un homme a capturé l'image d'un enfant mort au bord d'une plage. Opposition cruelle entre un lieu symbole des vacances pour des millions d'européens et la mort d'un enfant, symbole de l'avenir d'un peuple, qui tentait avec sa famille de fuir la guerre de son pays pour rejoindre ce même continent.
Image révélatrice de la réalité de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui tentent, au péril de leur vie de rejoindre une terre plus clémente.

Devant cette image et la multitude de réactions (enfin) offusquées par la vie et la mort de tous ceux qui tentent de fuir une région en guerre, je ne peux m'empêcher alors de repenser la création, de la modifier tout en gardant cet axe historique.
Nous avons donc créé une forme théâtrale qui met en lumière le parcours de ces hommes, ces femmes, qui décident de tout quitter pour un ailleurs incertain. Qui font le choix du départ pour tenter d'assurer leur survie. Et nous l’avons éclairée par le biais de l'Histoire. N'avons-nous pas, nous (pré)européens traversé des mers, des océans et des continents pour aller trouver un ailleurs où l'herbe serait plus verte ? Et ce faisant n'avons-nous pas évolué ?
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Et si l'humanité a évolué grâce, notamment, à de multiples voyages, rencontres et migrations ; interdire aujourd'hui ce mouvement à une partie des hommes, n'est-ce pas mettre en péril une partie de l'évolution de l'humanité ?

Clément Arnaud